Rédigé par Laurent BONNIN responsable de la cellule juridique du SNALC, et Danielle ARNAUD, secrétaire nationale du SNALC chargée des personnels contractuels
Le SNALC alerte les AESH qui pourraient croire ou avoir compris que la rétroactivité des indemnités REP et REP+ était gagnée.
Pour le moment, il n’y a pas lieu de crier « victoire ».
Le 14 décembre 2022, le juge administratif a annulé la décision par laquelle le recteur de l’académie de Paris a refusé d’octroyer l’indemnité de sujétions en application du décret 2015-1087 du 28 août 2015 à l’AESH à l’origine du recours contentieux, et ce dès son affectation au sein d’établissements relevant du programme ” Réseau d’éducation prioritaire renforcé ” ou ” Réseau d’éducation prioritaire “.
Est-ce pour autant que l’on peut en déduire le droit au versement rétroactif de la prime depuis 2015 ?
La réponse est NON !
En effet, ce jugement du tribunal administratif (TA) de Paris ne tient absolument pas compte du décret 2022-1534 du 8 décembre 2022 modifiant le décret 2015-1087 du 28 août 2015 qui prévoit le versement de l’indemnité REP/REP+ aux AESH (et AED) à partir du 1er janvier 2023.
Ainsi, l’injonction faite au rectorat de Paris de verser la prime de façon rétroactive, comme toute créance non satisfaite, ne concerne en rien une application rétroactive du décret 2022-1534 du 8 décembre 2022 à une situation constituée antérieurement et donc à un versement rétroactif de cette prime.
C’est une erreur de droit que de prétendre le contraire !
Par ailleurs, il faut à ce stade souligner qu’en aucun cas le jugement du tribunal administratif de Paris ne peut faire jurisprudence pour plusieurs raisons :
- si le rectorat de Paris a fait appel auprès de la cour administrative d’appel (CAA), cela suspend la décision du TA ;
- quand bien même ce jugement serait définitif, il ne peut plus s’appliquer aux situations nouvelles depuis le 1er janvier 2023 et la mise en application du décret 2022-1534 du 8 décembre 2022 ;
- ce jugement est le seul à avoir débouté un rectorat dans son refus d’octroi de cette prime à un ou une AESH (au contraire il existe un très grand nombre de jugements totalement inverses qui ont rejeté les demandes d’octroi de cette prime à de très nombreux AESH, entre 2015 et fin 2022).
Enfin, s’agissant de la notion de rétroactivité des actes administratifs, la cellule juridique du SNALC a aussi récemment émis un avis général à ce sujet :
Une jurisprudence constante du Conseil d’État érige en Principe Général du Droit (PGD) le principe de la non-rétroactivité des actes administratifs selon lequel ils ne disposent que pour l’avenir et ne peuvent contenir des dispositions applicables à des situations juridiquement constituées à une date antérieure à celle de leur publication.
Ce PGD qu’est la non-rétroactivité des actes administratifs (dont les actes réglementaires, comme c’est le cas du présent décret 2023-1534 du 8 décembre 2022), est devenu depuis le 1er janvier 2016 une disposition législative transcrite dans le Code des Relations entre le Public et l’Administration (CRPA) dans l’article L.221-4 : « Sauf s’il en est disposé autrement par la loi, une nouvelle réglementation ne s’applique pas aux situations juridiques définitivement constituées avant son entrée en vigueur ou aux contrats formés avant cette date. »
Or en l’espèce, il n’y a pas de mesure législative autorisant l’administration à déroger à cette non-rétroactivité en ce qui concerne l’application du décret 2022-1534 du 8 décembre 2022 aux situations antérieures au 1er janvier 2023.
Dans un article du 1er février 2023, évoquant cette décision du TA de Paris du 14 décembre 2022, le SNALC avait indiqué que la question de la non-rétroactivité de ces indemnités REP et REP+ n’était peut-être pas définitivement tranchée.
Si dans les prochains mois, une juridiction ou le législateur prenait une décision de versement rétroactif de ces indemnités REP et REP+ aux AESH, ce n’est qu’à ce moment-là qu’il sera possible de crier VICTOIRE ! Mais cela semble bien compromis…