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Article paru dans la Quinzaine universitaire n°1432, septembre 2019
Par Frédéric ELEUCHE, secrétaire national aux personnels administratifs et de santé
Comme le SNALC l’a toujours craint, ce sont bien les fonctionnaires et parmi eux les professeurs qui seront victimes du futur système, sauf à multiplier les heures supplémentaires à condition d’en être physiquement capables. Et l’on n’évoque même pas les professeurs des écoles, les plus grands perdants de la réforme annoncée.
1-LA QUESTION DE L’ÂGE
Passons rapidement sur l’inutile polémique relative à l’âge de départ en retraite. Dès lors qu’on nous berçait de l’âge légal, de l’âge pivot et de l’âge d’équilibre, et de l’âge auquel s’appliquerait la décote ou la surcote, la cause était entendue : l’âge « normal » de départ à la retraite passera de 62 à 64 ans. M. DELEVOYE qui avait menacé de démissionner si on abandonnait l’âge légal de 62 ans a changé d’avis. L’annonce faite par le Président de la République a désarçonné les spécialistes : la question de l’âge serait mise de côté et remplacée par la durée de cotisation. Or, les personnels de l’éducation nationale commençant leur carrière aux environs de 22 à 25 ans, la termineraient aux environs de 67 ou 68 ans, en particulier pour les professeurs. Où est le progrès ?
2-LE TAUX
Le taux de cotisation annoncé sera de 28,12% pour se rapprocher le plus possible du taux du privé (la principale intention était bien d’aligner le système de la fonction publique sur celui du privé). Ces 28,12% seront répartis entre 11,25% pour les salariés et le reste pour l’employeur. Actuellement, on retire 10,84% au titre de la pension civile. Mais logiquement, cette retenue n’aurait plus de raison d’être même si le 1er janvier prochain, elle sera portée à 11,10%. Aujourd’hui, on retire 9,2% pour la C.S.G. (8,3% si l’on est retraité), 0,5% pour la CRDS et 0,3% pour la CASA ; on doute que ces prélèvements soient supprimés. Cela signifie qu’on retirerait un total de 21,25% du montant brut ; sans compter la MGEN.
3-LE MONTANT
Le rapport DELEVOYE est très net : on prendra en compte dans le calcul du nombre des points non seulement des « primes » mais aussi des heures supplémentaires. Ce point est CAPITAL.
On prendra donc en compte l’ISO, fixe et variable, l’ISAE, les heures d’interrogation dans les CPGE, et les HSA, les HSE et les indemnités de mission. Les sommes ainsi perçues donneront droit à des points à raison de 1 point pour 10 euros cotisés (c’est la valeur d’acquisition du point). Il est d’ailleurs étonnant que l’on puisse dès maintenant fixer cette valeur : dans l’actuelle RAFP (Retraite additionnelle de la fonction publique) destinée à disparaître, la valeur d’acquisition est passée de 1 point pour un euro en 2005 à 1,2317 point en 2019.
Les administratifs, les infirmières, les assistantes sociales et les médecins qui touchent l’IFSE (qui vient d’être augmentée de 3 à 5 % selon les corps) verront leurs indemnités prises en compte dans le droit à pension.
Un professeur lambda inquiet du montant de sa future pension sera tenté de demander et de faire le plus d’heures supplémentaires possible, sachant que désormais plus il en fera, plus sa pension sera augmentée. Cela veut dire en réalité que si le professeur veut conserver une chance d’obtenir une pension raisonnable, il devra travailler beaucoup plus. Comme tous les professeurs ne demanderont pas ou ne pourront pas faire des HSA, ils seront les perdants de la future réforme. Et les professeurs des écoles seront encore plus victimes, ne pouvant faire des HSA. Les exemples analysés par le rapport ne portent d’ailleurs que sur les attachés, les secrétaires et les adjoints d’administration, mais aucun sur les professeurs.
M. DELEVOYE a reconnu que les « enseignants » sont les plus mal traités, n’ayant pas de « primes ». Il a même osé recommander que le gouvernement prît des mesures compensatoires pour pallier cette différence, sans dire lesquelles, même s’il a été question d’augmenter leurs salaires. Du côté du ministère, on a triomphalement annoncé une augmentation de 300 euros par an pour les professeurs (conséquence du PPCR du précédent ministère), rappelé l’augmentation de l’indemnité de REP + pour les personnels qui y sont affectés, et fait valoir la 2 HSA imposée comme une revalorisation. Il met en place un observatoire de la rémunération.
Au SNALC, nos spécialistes ont calculé que la perte de pension serait de 800 euros en moyenne par mois. Pour le SNALC, une telle diminution est proprement impensable. Le seul moyen d’échapper à la perte de pension annoncée est bien d’augmenter et de façon très substantielle les prétendues « primes », c’est-à-dire les indemnités ISO et ISAE, pour tous et pas seulement certaines missions ou fonctions. Il est d’ailleurs officiellement reconnu que les « primes » représentent entre 20 et 25% des traitements perçus par les personnels non enseignants, alors qu’elles représentent 4% seulement en moyenne pour les professeurs.
4-LA VALEUR DU POINT
On nous annonce déjà la valeur de service du point qui serait de 0,55€ ! Comment peut-on le faire alors que cette valeur dépend de la conjoncture, de l’inflation, de l’économie et du chômage ? La valeur de service du point dans la RAFP est passée de 0,04000 € en 2005 à 0,04605 € en 2019 !
5-LES POINTS POUR LES ENFANTS
On annonce 5% de points en plus au moment du départ en retraite si on a eu un enfant, 10% pour deux, 15% pour trois, etc. 5% de points en plus par enfant, c’est un supplément de …0,55 euro X 5 = 2,75 € ? Le Pérou ! Actuellement, on a 10% de majoration de pension si l’on a eu 3 enfants. Par ailleurs la bonification d’ancienneté pour les enfants n’est plus évoquée : 4 trimestres pour ceux qui sont nés avant 2004, 2 trimestres pour ceux qui sont nés après 2004.
6-LES PENSIONS DE RÉVERSION
On ne touche pas aux pensions existantes, mais il y aura une régression sensible dans le futur système. Dans le système actuel, et depuis la loi de 2003, la réversion est de 50% dans les deux sens. Dans le système annoncé, la réversion sera égale à 70% du total des deux.
7-LA CARRIÈRE LONGUE
La carrière longue sera conservée. Mais rien n’est dit sur la prise en compte des services accomplis hors d’Europe. Ce point inquiète pourtant des milliers de nos compatriotes.
8-LA PÉNIBILITÉ
Les bonifications pour la pénibilité seront conservées et étendues aux fonctionnaires pour les métiers pénibles. On n’a pas évoqué les infirmières, mais les aidants. Sans plus de précision.
9-LE TRAVAIL DES RETRAITÉS
Un retraité pourra retravailler. C’est exactement le contraire de la politique appliquée par la loi Touraine sous Hollande : la loi du 20 janvier 2014 avait autorisé à retravailler, mais instauré un plafond. Le plafond disparaît. D’autre part le retraité qui retravaillait cotisait pour la retraite, mais à fonds perdus. Dans le système qui nous est annoncé, ce retraité qui cotisera continuera de cotiser pour lui-même et d’acquérir des points.
10-LA MISE EN OEUVRE
Le nouveau système s’appliquera en janvier 2025 pour les personnes nées après 1963, les personnes à cinq ans de la retraite y échapperont. Les personnes qui seront loin de la retraite, mais qui auront déjà commencé à travailler, verront leur passé « converti » intégralement et donc pris en compte dans le nouveau système. Cette partie est la moins claire : on ne nous dit pas si, par exemple, les fonctionnaires verront prendre en compte non seulement leurs traitements passés, mais aussi leurs indemnités, leurs ISO, ISAE et leurs HSA. Si oui, les services rectoraux seront-ils capables de retrouver et sans erreur toutes ces indemnités et autres HS ? L’on nous explique aussi que la transition prendra 15 ans, ce qui est tout à fait probable, mais comment ces deux informations contradictoires sont-elles compatibles ?
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