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Réforme des retraites

Dossier paru dans la Quinzaine universitaire n°1433 – octobre 2019
Par Anne MUGNIER, membre du Bureau national et présidente du SNALC Grenoble avec la contribution de Frédéric ELEUCHE, secrétaire national chargé des personnels ATSS, de Christophe DOMENGE et Bernard LÉVY du Bureau académique du SNALC Grenoble

 

Que va changer pour les personnels de l’Éducation nationale le système de retraite par points tel que l’a conçu Jean-Paul DELEVOYE ? Le SNALC vous propose une étude comparée entre le système actuel et celui qui est proposé. Disons-le tout de suite : la perte sera telle que le système ne saurait être viable sans une multiplication par deux des salaires mensuels.

 

ÉTUDE COMPARÉE DES SYSTÈMES DE RETRAITE

UNE RÉFORME CATASTROPHIQUE POUR LES PERSONNELS DE L’ÉDUCATION NATIONALE

 

AVERTISSEMENT : Les comparaisons proposées dans cette première partie ne concernent que les personnels qui prendront leur retraite avant 2025 (système de pension actuel) et ceux qui commenceront à travailler à partir de 2025 et ne connaîtront que le système universel. Pour les générations actuelles qui prendront leur retraite après 2025, c’est un mélange des deux systèmes qui serait appliqué, et qui fait l’objet de l’article suivant de ce dossier, qui présente plusieurs études de cas.

 

 

FONCTIONNEMENT

 

COMPARAISONS

 

Remarque de méthodologie : Les carrières ont été reconstituées artificiellement en fonction des grilles indiciaires au 1/01/2020 et de la valeur du point d’indice actuelles, ainsi que de l’avancement moyen depuis la mise en place du PPCR (accès à la hors classe dans la 3e année du 11e échelon pour les enseignants).

 

Les pensions du système universel par points sont calculées en fonction de la valeur théorique du point en 2025, et ne tiennent
pas compte de l’indexation annuelle future (dont les modalités ne sont pas encore déterminées) de la valeur du point à l’achat (en activité) et au moment du calcul de la pension (pendant la retraite)

 

I. PENSIONS DE BASE DES PERSONNELS D’ÉDUCATION

 

Commençons par une comparaison simple des situations de base dans lesquelles le plus grand nombre se retrouvera : indemnités de base (ISOE/ISAE part fixe), pas d’heures ni d’indemnités supplémentaires, départ à taux plein au dernier échelon (actuel) de la hors classe après 43 années de service, pas de minoration ni de bonification.

II. EXEMPLES DE SITUATIONS CONCRÈTES

Comparons à présent quelques situations concrètes, en essayant de mettre en valeur les bonifications proposées par Jean-Paul DELEVOYE (prise en compte des primes, heures supplémentaires, enfants, prolongement de carrière après l’âge pivot de 64 ans). Nous n’avons pas donné d’exemple d’enseignant parvenu à la classe exceptionnelle : or, ce seront plusieurs centaines d’euros supplémentaires qui seront perdus avec un calcul de pension basé sur l’ensemble de la carrière, et non les six derniers mois.

REMARQUES :

SYSTÈME DE PENSIONS ACTUEL
– Nous avons considéré un taux plein acquis avec 43 années de service.
– Nous avons pris trois exemples de carrières incomplètes, avec départ avant 43 années de service, entraînant à la fois proratisation et décote.
– Nous n’avons donné aucun exemple de surcote, ce qui aurait encore augmenté la perte représentée par le système DELEVOYE.

SYSTÈME UNIVERSEL PAR POINTS DELEVOYE
– Dans chaque exemple, ont été incluses les primes moyennes fixes spécifiques à chaque corps (ISOE, ISAE, IFSE) pour le calcul des points.
– Nous avons attribué l’ensemble des bonifications liées aux enfants au seul parent concerné par les exemples cidessous. En cas de répartition égale entre les parents, la perte représentée par le sytème DELEVOYE s’accentue encore.
– Nous avons donné trois exemples de retraites majorées après l’âge pivot de 64 ans, principe qui privilégierait les cadres arrivés après 5 ans d’études sur le marché du travail. Or, Emmanuel MACRON récuse justement cette bonification. Son absence aggravera la perte de plusieurs centaines d’euros par mois. Nous avons mis entre parenthèses la retraite mensuelle sans cette bonification.

Les deux systèmes sont équivalents dans le seul cas où il y a proratisation dans le système actuel, et majoration (théorique) pour dépassement de l’âge pivot dans le système universel. En réalité, quel que soit le corps, quelles que soient les situations, ce sont presque systématiquement plusieurs centaines d’euros mensuels en moins pour les futurs retraités du système universel DELEVOYE par rapport à ceux qui bénéficient du régime actuel !

EN BREF

Le système actuel permet, au moment de la retraite, de compenser des rémunérations modestes tout au long de la carrière, notamment pour les personnels dont le régime indemnitaire est faible, comme les enseignants. C’est actuellement leur seul avantage.

La différence entre les deux systèmes est d’autant plus considérable que le régime indemnitaire de l’agent concerné est faible, et qu’il atteint le salaire maximum de son corps.

La seule manière de maintenir un niveau de pension équivalent à celui du système actuel est d’augmenter le salaire total brut, puisqu’il s’agira de prendre en compte le régime indemnitaire et les heures supplémentaires.

Un certifié devrait effectuer… 19 HSA chaque année tout au long de sa carrière pour maintenir un niveau de pension équivalent !

La seule solution est donc encore une fois, comme le SNALC ne cesse de le revendiquer, d’augmenter considérablement et dès maintenant le régime indemnitaire. C’est la seule solution pour que les personnels de l’Éducation nationale perçoivent enfin des rémunérations à la hauteur de leurs qualifications. C’est la seule solution pour qu’ils maintiennent un niveau de pension décent.

RÉFORME DES RETRAITES :

CE QUI ATTEND LES GÉNÉRATIONS ACTUELLES

Jean-Paul DELEVOYE envisage une mise en place de sa réforme en 2025. Que va-t-il se passer pour tous ceux, nés après 1963, qui ont déjà commencé leur carrière ? D’après le rapport DELEVOYE, les services effectués avant 2025 seront convertis en points en fonction du système actuel, auxquels s’ajouteront les points obtenus selon le nouveau calcul jusqu’au départ à la retraite. Voici donc une étude de quatre cas de professeurs d’âge différent, qui seront tous confrontés à la réforme

PROTOCOLE DE CALCUL

1. Les droits acquis jusqu’en 2025 dans le système actuel (75% du dernier salaire brut) sont convertis en points de retraite sans décote ni surcote.

2. Pour la poursuite de la carrière après 2025 dans le système universel par points, nous avons choisi, exactement comme le fait le rapport DELEVOYE, de ne pas indexer la valeur du point (à l’achat et pour calculer le montant de la pension au moment de la retraite) sur une inflation hypothétique.

3. Nous avons fait l’hypothèse que la notion d’âge pivot sera retenue, alors même qu’Emmanuel MACRON l’a remise en cause dès la publication du rapport DELEVOYE. Or, cet âge pivot, établi à 64 ans en 2025, constitue un avantage certain pour les enseignants, qui, ayant commencé leur carrière tardivement après 5 ans d’études post-bac, doivent avoir au moins 66 ans pour espérer partir avec les 172 trimestres exigés dans le système actuel pour une retraite à taux plein pour les personnes nées à partir de 1973. En effet, les années effectuées après l’âge pivot apporteraient chacune 5% de bonification à la pension finale (15% pour un départ à 67 ans).

4. Nous avons toutefois estimé que cet âge pivot, s’il existait, n’allait pas tarder à évoluer : nous l’avons établi à 64 ans pour les collègues nés jusqu’en 1974, puis à 65 ans pour les collègues nés entre 1975 et 1990, et à 66 ans ensuite.

5. Dans le système DELEVOYE, chaque enfant entraîne une majoration de 5% de la pension à partir du premier enfant, à répartir entre les deux parents. Nous avons considéré, pour les cas étudiés, que cette majoration était répartie également entre les deux parents.

6. Les primes comprennent l’ISOE part fixe ou l’ISAE, les HSA, les HSE, l’indemnité de professeur principal, de tutorat : elles ont été estimées pour chaque cas à une part fixe du salaire brut.

7. La RAFP (retraite additionnelle de la fonction publique) n’est pas prise en compte.

ÉTUDE DE CAS

Tous les personnels dont les situations sont présentées ci-dessous partent à la retraite en ayant atteint le dernier échelon de la hors-classe de leur corps (selon la grille prévue au 1/01/2021), sauf cas particuliers signalés.

Les montants des pensions mensuelles sont donnés en brut. On donne d’abord la pension mensuelle avec le système de retraite actuel, puis celui obtenu si la réforme DELEVOYE est appliquée en 2025, dans le cadre d’un « système mixte ».

FLORENCE, professeur des écoles née en 1969

ANNE, professeur agrégée née en 1975

PIERRE, PLP né en 1988

KARIM, professeur certifié né en 2002

 

QUE FAUT-IL RETENIR ?

Dans le système mixte, la perte sera d’autant plus importante que les collègues sont jeunes. La succession d’exemples de générations différentes montre que sans mesures spécifiques, nous aboutirons rapidement à la perte estimée dans l’article précédent et illustrée ici avec l’exemple final de Karim, ce qui entraînera une crise du recrutement sans précédent. On a en effet vu à travers les différents cas étudiés que les primes actuelles des enseignants ne permettront absolument pas de maintenir les pensions au niveau actuel.

Si le principe de l’âge pivot devait de surcroît être abandonné, la plupart des enseignants devraient alors terminer leur carrière à 67 ans et perdraient la seule mesure permettant de limiter un peu la perte induite par le système universel par points

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A lire également :

COMPRENDRE LA RÉFORME DES RETRAITES EN 10 POINTS CLÉS

Télécharger en PDF le tract intersyndical :

NON au projet de RETRAITE universelle par points