Madame la Rectrice,
Je m’adresse à vous en tant que présidente académique du SNALC, organisation syndicale représentative pour tous les personnels de l’Éducation nationale. Comme vous le savez, cette rentrée est marquée par un double sentiment de lassitude et de colère dans les établissements scolaires, qui s’exprime ce jour par une mobilisation qui s’annonce importante. De nombreux collègues nous font part de leurs difficultés, notamment dans les écoles, et nous sommes également destinataires de motions d’établissements, que nous joignons à ce courrier.
Ce courrier vise donc à vous informer de manière synthétique des difficultés qu’éprouvent les personnels face à une gestion sanitaire qui nous semble défaillante, et à vous soumettre des propositions que nous souhaitons rationnelles et applicables, afin que le rectorat puisse faire entendre la voix des personnels de l’académie auprès de notre ministère.
Tout d’abord, les conditions de travail des personnels des établissements deviennent intolérables, et notre ministère contribue de manière inacceptable à cet état de fait.
Les protocoles se succèdent sans anticipation et sans consultation, les personnels ne sont pas informés directement et doivent eux-mêmes rechercher les informations les plus récentes. Pourtant, on leur demande de les appliquer dans l’urgence et de les expliquer aux familles, dont ils subissent l’agacement comme s’ils étaient responsables des décisions prises. Les directions d’école, les professeurs des écoles, les vies scolaires, les personnels infirmiers, dont l’effectif souvent insuffisant est encore réduit par la pandémie, doivent jouer le rôle des ARS en traçant les cas contacts, en prenant en charge les procédures administratives, les appels aux familles, et ce chaque jour. Ces personnels épuisés font le travail des autorités sanitaires sans être rémunérés pour cela. Pendant ce temps, leur ministère de tutelle se permet d’évoquer leur « absentéisme », terme impropre et blessant. Les risques d’épuisement professionnel et de dépression sont extrêmement élevés.
Ensuite, la gestion même de la situation n’est ni adaptée, ni cohérente, et aucune amélioration de la sécurité des personnels et des élèves n’a été mise en œuvre en deux ans de pandémie. Alors même qu’on parle d’un raz-de-marée des contaminations causé par le variant Omicron et qu’on impose le port du masque dans la rue, chaque protocole est une version allégée du précédent à rebours de la virulence de la propagation du virus. D’abord, on a fermé les classes dès le premier cas positif constaté, puis avec trois cas : aujourd’hui, on ne fixe plus de seuil de fermeture. D’abord, il fallait un test réalisé en laboratoire avec un résultat entériné par des professionnels médicaux : aujourd’hui, les autotests et les déclarations sur l’honneur suffisent. Depuis un an et demi, le SNALC, avec d’autres organisations syndicales, demande un collectif budgétaire pour l’école. Rien ne s’est passé depuis : les fenêtres restent bloquées, le fonctionnement des cantines est inchangé, la qualité de l’air n’est pas testée, les masques des personnels sont toujours en tissu et leur vaccination n’a pas été jugée prioritaire. Si la situation est aujourd’hui jugée grave, alors il s’agit de prendre des mesures qui y sont adaptées ; si l’on considère à l’inverse qu’on peut sans risques laisser circuler librement le virus dans les écoles, alors il faut cesser de faire porter aux personnels et aux élèves le poids et la responsabilité de protocoles complexes et inapplicables.
Enfin, l’efficacité pédagogique de notre école est fortement affectée par l’effet conjugué de la pandémie et du manque d’investissement dans l’école. Les personnels d’enseignement et d’éducation absents ne sont pas remplacés, il est impossible aux enseignants d’assurer un enseignement à la fois en présence et à distance pour les élèves absents, et le calendrier des épreuves du bac ajoute une pression supplémentaire intenable dans les lycées.
Le SNALC demande donc des décisions concrètes pour rapidement soulager les personnels avant qu’il ne soit trop tard et permettre à l’école de continuer à assurer ses missions fondamentales face à une pandémie avec laquelle il va s’agir de vivre :
– La fourniture régulière et massive de masques FFP1 pour tous les personnels et de masques FFP2 pour les personnels vulnérables et ceux qui le souhaitent. Les masques en tissu ont en effet une efficacité très limitée.
– La fourniture mensuelle d’une boîte d’autotests aux personnels.
– L’installation de purificateurs d’air et de capteurs de CO2 après une étude objective des besoins de chaque établissement.
– Une communication directe et anticipée des informations aux agents publics, et un délai raisonnable d’application. La mise à jour du site du ministère ne doit en aucun cas se substituer à une communication explicite adressée aux agents.
– Des indicateurs scientifiques transparents et publics pour déterminer le passage d’un niveau de protocole à l’autre.
– Un plan de recrutement massif de remplaçants dans le premier comme dans le second degré, pour l’enseignement et l’éducation comme pour la gestion administrative et l’encadrement.
– Le report en juin des épreuves de spécialité du baccalauréat général et technologique.
– La suspension des évaluations d’écoles et d’établissements pour cette année scolaire.
– L’instauration d’une prime Covid à destination de tous les personnels de l’Éducation nationale, dont l’engagement exemplaire a été reconnu par le ministre.
Les termes du débat ne se posent pas entre « ouvristes » et « fermistes » : le SNALC a constaté ce que donnait une « continuité pédagogique » sans équipement adéquat et sait qu’une école réellement efficace pour tous les élèves nécessite une présence physique. Mais pour cela, il ne saurait être question de rester inactif et attentiste.
Je vous prie d’agréer, Madame la Rectrice, l’expression de ma très haute considération, et de croire en l’engagement du SNALC en faveur d’un service public de qualité respectueux de ses agents.
Anne Mugnier, présidente académique du SNALC de Grenoble